[Féminisme] Pornland – Gail Dines

Avertissement avant de commencer ce livre, certains passages sont franchement difficiles à lire et pourtant je ne suis pas particulièrement prude. Bien que pas particulièrement prude donc, je ne suis pas vraiment fan de la pornographie telle qu’elle existe actuellement et je m’affole un peu des conséquences qu’elle peut avoir sur la culture et sur la vie des jeunes (et moins jeunes) femmes. On trouve assez peu de critiques du porno en tant que tel dans le féminisme contemporain plutôt à tendance libérale, il faut se tourner vers le courant féministe radical pour y trouver une riche et critique littérature.

Dans Pornland, Gail Bines s’interroge sur la pornographie elle même et sur ses conséquences. Le porno est un assez bon reflet de la société et y reproduit nos pires travers : sexisme, racisme… Il est essentiellement destiné à un public, hétérosexuel et masculin et de par son accessibilité (on en trouve partout et gratuitement), il est devenu un milieu très concurrentiel. Qui dit concurrence dit cherchons les moyens de se démarquer des autres, cela se traduit par une multiplication des films de type gonzo (où on ne fait même plus semblant d’avoir un scénario), et des pratiques de plus en plus extrêmes. Tout ceci n’est pas sans effet sur la vie des femmes; les actrices tout d’abord, qui doivent accepter de plus en plus de choses dans une profession qui est déjà très peu réglementée. Mais aussi toutes les jeunes femmes qui commencent leur vie sexuelle avec des garçons qui ont fait toute leur éducation sentimentale devant ce type de film, je vous laisse imaginer les dégâts.

Comme le fait remarquer l’auteure, la culture porno est maintenant totalement intégrée dans la culture dite mainstream, et l’on sait l’influence qui peut avoir la culture sur nos modes de vie. Regardez simplement les chiffres sur l’épilation intégrale chez les jeunes filles ou sur la pratique de la sodomie. Pratiques marginales il y a une quinzaine d’années, elles font aujourd’hui partie de la norme ; loin d’être une libération des moeurs il s’agit plutôt d’une nouvelle injonction dont les femmes se seraient bien passées. Le livre de Peggy Orenstein Girls & Sex illustre assez bien ce problème, l’auteure a sillonné les Etats-Unis pour interroger des jeunes femmes (moins de 30 ans) de tous milieux sur leur sexualité. J’ai moi même à peine plus de trente ans mais je suis pris une claque en lisant ce livre. La plupart de ces filles ont connu au moins une expérience où elles ont accepté une pratique sexuelle uniquement pour avoir la paix, beaucoup se retrouvent dans des situations où elles ont l’impression que non n’est pas une option et que la relation sexuelle est obligatoire. Remplacer une injonction (pas de sexe avant le mariage) par une autre (il faut absolument coucher) ce n’est pas vraiment ce que j’appelle une libération.

Loin de moi l’idée d’interdire la pornographie (je doute que cela soit possible d’ailleurs), mais j’aimerais que l’on puisse en discuter et que l’on puisse remettre certaines choses en question sans pour autant passer pour des coincées. Le documentaire d’Ovidie est un bon point de départ : il faut réglementer les acteurs du milieu pour protéger ceux qui y travaillent, s’assurer que l’accès aux mineurs est réellement restreint. Il nous faut aussi nous interroger sur l’éducation sexuelle aujourd’hui, est-elle suffisante, est elle adaptée? Nous assurer qu’une vidéo de Pornhub ne soit pas la porte d’entrée dans la sexualité.

Pornland et Girls and Sex sont disponibles sur Amazon mais uniquement en anglais. Un jour je vous parlerai du manque de traduction d’essais féministes en France.

 

 

 

 

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