Pierre Lemaître – Au revoir là-haut

Au revoir là-haut

Pierre Lemaître

Albin Michel  – 2013

Ils ont miraculeusement survécu au carnage de la Grande Guerre, aux horreurs des tranchées. Albert, un employé modeste qui a tout perdu, et Edouard, un artiste flamboyant devenu une « gueule cassée », comprennent vite pourtant que leur pays ne veut plus d’eux. Désarmés, condamnés à l’exclusion, mais refusant de céder au découragement et à l’amertume, les deux hommes que le destin a réunis imaginent alors une escroquerie d’une audace inouïe…

(pas de “en bref” aujourd’hui, mais la petite conclusion en bas de l’article devrait convenir comme équivalent…)

Un peu plus d’une semaine que j’ai refermé Au revoir là-haut et pourtant mon émerveillement n’a pas disparu.

J’ai eu de belles découvertes cette année, Chimamanda Ngozi, Into the Wild … mais Au revoir là-haut s’avère être (pour le moment) ma plus belle surprise et mon plus gros coup de cœur.

Nous sommes loin du livre un peu prétentieux sur la première guerre mondiale, bien au contraire. Pierre Lemaître aborde avec une légèreté presque déconcertante un sujet douloureux : La France d’après guerre qui enterre trop vite ses morts et oublie ses vivants. Au revoir là-haut démontre à la perfection ses talents de conteurs, cette capacité éblouissante à nous faire vivre au plus près de l’action qu’il décrit sans se perdre dans de lourdes et longues descriptions. Bien au contraire, ces dernières sont toujours empreintes d’émotions et nous incite à dépasser la simple imagination pour atteindre le Saint Graal de tout auteur : l’émotion. (Les scènes de guerre au début du roman en sont le parfait exemple.)  C’est peut être l’une des choses que je retiens le plus de cette lecture. J’ai suffoqué avec Albert au fond de ce trou d’obus, j’ai ressenti sa peur face au lieutenant Aulnay Pradelle et vécu son traumatisme, tout comme j’ai vécu l’excentricité d’Edouard autant que sa déchirure.

Cependant il y a un personnage en particulier qui a provoqué en moi de vives émotions, et c’est à travers lui que le talent de Pierre Lemaître a fini de me convaincre : M.Péricourt, le père d’Edouard. Le passage où cet homme qui n’a jamais su être père le devient en réalisant la “mort” de son fils m’a tout simplement bouleversé et restera je pense un moment de lecture important pour moi. L’auteur arrive alors a décrire un chagrin qu’il est dur d’imaginer pour qui ne l’a jamais vécu. M.Péricourt m’a touché, réellement, j’ai un sentiment de profond attachement pour ce personnage.

Au-delà de tout cela (et je pourrais en parler encore longtemps…) il faut noter la critique acerbe que fait le roman au gouvernement d’après guerre. J’ignorais pour ma part le scandale autour des cimetières de guerre, en cela le roman remet en lumière une horrible partie de notre Histoire. Et pour cela un personnage : le lieutenant Aulnay Pradelle, pire cauchemar d’Albert et profiteur de guerre dans toute sa splendeur. Le Mal par excellence. En adoptant la désinvolture de son personnage, Pierre Lemaître décrit une réalité crue et particulièrement horrifiante. Alors que le ton semble désinvolte donc, presque agacé, les mots ne s’embêtent pas de la moindre fioriture, les “magouilles” autour des corps, des cercueils et des sépultures alors inattendues gagnent en violence. Le contraste entre le ton et les mots est ici particulièrement pertinent et maîtrisé.

Il y a beaucoup à dire sur ce livre, mais je ne suis ni critique ni spécialiste alors je ne m’étendrais pas beaucoup plus longtemps. J’aime les personnages de ce livre, ils m’ont tous réellement marqué. Leur apparente caricature dévoilant au fur et à mesure une touchante complexité. L’excentrique mais brisé Edouard bien sûr, qui, même si je n’en ai pas beaucoup parlé ici, est certainement un des personnages les plus travaillé, les non-dits de l’auteur le dévoilant tout au long de l’oeuvre. Mais même Pauline, la petite Louise, Joseph Merlin, Labourdin, Madeleine, Dupré…tous ces personnages secondaires dont l’importance et la profondeur n’est jamais négligée.

Accessible à tout à chacun Au revoir là-haut mérite amplement de figurer dans les œuvres importantes de la littérature française. Pour ma part je garde avec moi un peu de ses personnages et les émotions qu’ils m’ont fait vivre avec eux.

 

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